Sur le logo du Centre du handicap « Sortir du cercle » de Belgrade, le « cercle » est représenté par une roue de fauteuil roulant. Le centre est spécialisé dans la lutte contre les discriminations et la violence faites aux personnes souffrant de handicaps. Le centre des femmes en action de Velika Plana est une association féministe et opérationnelle. Ces deux lieux allaient rester dans mon esprit tout au long du parcours. Lorsque j’ai présenté le projet, j’ai tout de suite trouvé de l’enthousiasme en réponse. Et à la clé, des chiffres et situations très choquantes. Explications.
A Velika Plana, petite commune rurale, a environ une heure et demi de Belgrade, Jovanka et Alessandra m’expliquent En 2003, un numéro vert est venu compléter l’action de conseil entreprise par leur association en matière de violence domestique. Pour une meilleure prise en charge mais aussi devant l’ampleur du phénomène. Je leur demande une estimation des cas incluant l’utilisation d’armes à feux. « Environ 60% , si l’on prend en compte les menaces directes et indirectes. Le reste des 40% inclue d’autres objets». Je m’étonne, comme vous certainement, à l’annonce de ces chiffres, et questionne sans relache. Pourquoi un tel contraste par rapport aux chiffres que j’avais entendu avant ? Quels facteurs pouvaient faire la différence avec d’autres endroits?
On me répond l’alcool, la masculinité. J’ajouterai certainement pour l’analyse, le facteur « campagne », parce que l’élément géographique explique bien des comportements. Il faut s’imaginer Velika Plana. Une grande rue qui ne semble jamais s’achever , entrecoupée de plus petites, étroites et désertes. Si l’on s’embarque dans l’une d’elle, on se rend bien vite compte qu’à part de rares commerces, ce sont surtout des habitations et petits jardins qui peuplent le territoire. L’exemple type du petit village, rural, ou tout le monde se connait. Et comme bien souvent dans ces cas la, patriarcal. Les coups dans les maisons ne sont pas rares. L’association reçoit plus de 600 appels par an. La détention d’armes à feux aussi y est banale. Presqu’ironiquement, les représentants du médiateur de la République de Serbie et des services sociaux, que j’allais rencontrer plus tard, utilisèrent spontanément la même image pour décrire le phénomène des armes à feux dans les campagnes, comme Velika Plana : celle d’un « trophée » qui traine sur une cheminée. UN « souvenir » de guerre parfois. Et finalement, l’image je la connais. Les campagnes françaises sont peuplées d’invétérés chasseurs, fiers de leurs long fusils. En France, on estime qu’environ 400 femmes sont assassinées chaque année par leurs partenaires. Mais l’histoire ne dit pas avec quoi.
Le centre des femmes en action a du faire jaser lorsqu’il a ouvert ses portes en 1999. Outre le fait qu’il allait se battre pour les femmes, et notamment les femmes battues, il fut également la première association à but non lucratif jamais fondée sur la Commune… Mais même en écrivant ces quelques lignes, je m’étonne encore de l’étendue du phénomène. 60%, c’est aberrant.
Même discours dans l’association « Sortir du Cercle », qui a été un vrai choc, me confrontant à une réalité que je ne soupçonnais pas. Que les personnes handicapées puissent souffrir de discriminations, je savais. Mais il ne m’était jamais venu à l’esprit que quelqu’un puisse vouloir leur faire du mal directement. Psychologiquement ou physiquement. Je tombe de haut. Olivera m’explique : « Ici, la peine de prison infligée suite à un viol est réduite lorsque celui-ci est commis sur une personne handicapée ».
Olivera poursuit : « 3 /4 des cas que nous traitons ici incluent des cas de violence familiale. Si l’handicap est de naissance, c’est souvent la famille proche qui en est à l’origine des violences. Au contraire, c’est généralement le partenaire dans les cas d’un accident de vie». Des armes ? Elle acquiesce de la tête et se lance, timidement, dans quelques récits. Elle poursuit: “Cette population est victimisée par deux fois. Il n’y a pas de foyers équipés ou prêts à accepter des adultes handicapés . Il n’y a donc que trois choix : Vivre sous les coups et la menace d’une arme et ne pouvoir s’en échapper, rentrer chez des proches, à compter qu’ils acceptent, ou en cas de « chance », intégrer tout autre institution ayant des capacités d’accueil (maison de retraite…) »
Deux ou trois histoires plus tard, Olivera dira cette phrase, qui est restée longtemps dans mes pensées: “Une arme à feu représente la même menace pour une personne handicapée que pour une femme valide. Mais la conséquence est différente parce qu’une femme handicapée ne peut pas fuir ».
Posted By Fanny Grandchamp
Posted Jul 24th, 2009
245 Comments
Jasmina
July 25, 2009
I miss you! Great blog, congratulation!