Le problème des femmes vivant sous la menace d’une arme en Serbie trouve sa réponse principale dans les deux questions suivantes : Comment acquière-t-on une arme et quels sont les critères pour en refuser l’accès à un demandeur ?
Première bizarrerie. De toutes les pièces à soumettre pour le dossier de demande d’une arme, aucun examen médical n’est demandé. Si une attestation d’un centre homologué certifiant que la personne sait se servir d’une arme, doit être effectivement soumise, elle n’est pas accompagnée d’examens médicaux vérifiant l’intégrité, la santé mentale ou physique des demandeurs. Ne devrait-on pas toujours vérifier que l’utilisateur d’un objet potentiellement mortel, dispose de toutes ses capacités pour l’utiliser avec le plus de précaution et de justesse possibles ? Ceci est d’autant plus vrai en Serbie ou beaucoup de mes interlocuteurs ont pointé du doigt le fait que les hommes revenus de la guerre (âgés aujourd’hui de 35 à 55 ans) étaient traumatisés, brutalisés et brutaux, souffrant parfois de troubles post-traumatiques. Ces derniers étant associés, selon les dernières études menées en psychologie, à des comportements violents qui reproduisent les horreurs subies.
Les critères de refus d’un permis d’arme posent également question. Ils sont tous plus ou moins orientés vers le danger potentiel que représente le port d’une arme dans l’espace public, avec en ligne de mire, le dommage qui peut être causé aux tiers … les grands oubliés de cette évaluation étant les membres de la famille proche eux-mêmes. Ainsi, selon l’article 8, paragraphe 2 de la loi sur les armes et les munitions (amendée pour la dernière fois en 2005), une arme ne peut être délivrée à une personne condamnée pour des crimes qu’on qualifiera de graves (contre l’ordre constitutionnel, l’intégrité territoriale et souveraine, les hauts représentants de l’Etat, le terrorisme, etc…). Si le mot est mal choisi, les crimes « intermédiaires » font eux aussi obstacles à l’acquisition d’une arme à feu. (participation à des bagarres, viols, kidnapping, provocation d’un danger, comportement violent, etc..)
D’autres provisions spécifiques refusent l’accès d’une arme aux personnes mineures, aux personnes qui seraient sous le coup d’une procédure judiciaire, ou, plus étonnant, aux personnes qui n’ont pas la capacité de travailler… mais rien, rien, sur l’existence d’un passé ou d’un présent de violence domestique. En somme, on refusera le port d’arme à une personne qui a causé des troubles dans l’espace public. Mais l’existence de troubles dans les relations familiales, si connue soit-elle, ne sera pas un critère de déni. Un homme violent à la maison peut acquérir une arme tant qu’il n’a pas été condamné pour violences dans l’espace public. Ceci est d’autant plus regrettable que l’argument ne tient pas : la violence domestique, bien souvent reportée à la police mais sans aller jusqu’à entamer une procédure de poursuite, inclue les situations citées ci-dessus: les bagarres, les viols, les comportements violents aboutissant à des dangers pour autrui, sont des situations usuelles dans les cas de violence familiale…
On imagine aisément sur quoi ces négligences peuvent aboutir. On donne la possibilité à des hommes, dont on ne décèle pas les éventuelles pathologies mentales, d’obtenir une arme, en complète abstraction des situations familiales perturbées dans lesquels ils peuvent évoluer… Ceci peut être d’autant plus dramatique que la procédure privilégie l’immédiateté : Il n’existe pas d’enquête de circonstance relative aux raisons d’acquisition d’une arme, ni de période intermédiaire entre la délivrance du permis et l’acquisition de l’arme (Article 9 de la loi sur les armes et les de 2005 ). Le permis est valide pour une période de cinq ans, ce qui est relativement long compte tenu du fait que les individus peuvent changer grandement dans ce laps de temps (Article 11 de la loi sur les armes)
Enfin, il convient de se pencher sur le code pénal. On pourra noter que les mécanismes de punition suite à des cas de violence domestique, détaillés à l’article 194, sont légers. Ainsi, la brutalisation directe, ou la menace d’attenter à la vie d’un des membres de la famille est punie d’un an d’emprisonnement, cette peine montant à trois ans maximum dans le cas ou un objet dangereux ou une arme a été utilisée. Pourtant, aucune provision spécifique ne prévoit clairement que le dit objet, l’arme, soit saisie par les autorités compétentes…
Les changements pour lesquels nous nous battons consistent à lier les deux phénomènes. Accepter que l’existence d’une situation de violence domestique devienne un critère de refus pour accorder une arme. Et retirer les armes à feux des mains de ceux qui produisent de la violence au sein de leurs familles. Dire que, compte tenu du nombre de violences domestiques se terminant par des meurtres, à chaud, sur un coup de tête, il est nécessaire d’affiner la procédure pour prendre mieux en compte les situations individuelles : En réalisant une enquête de circonstance auprès des membres de la famille, des voisins, des institutions compétentes ; En laissant s’écouler une période d’un mois entre l’obtention du permis et l’obtention de l’arme ; En vérifiant que l’état mental du demandeur est stable. La prorogation du permis d’arme devrait être soumise à examen tous les deux ans, afin d’assurer un meilleur suivi de l’évolution des situations familiales….
Posted By Fanny Grandchamp
Posted Aug 4th, 2009